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1, Le Pays des autres, Roman

Leïla Slimani

Gallimard

  • Conseillé par (Libraire)
    22 mars 2020

    « Le pays des autres » qui est aussi le nôtre

    Comme Alice Zeniter, qui avec le remarquable « L’art de perdre » revenait sur l’histoire algérienne familiale, Leila Slimani, l’autrice d’ »Une chanson douce », née à Meknès, entame, dans ce premier opus d’une trilogie, l’histoire largement biographique de sa grand-mère Mathilde.

    C’est la seconde guerre mondiale qui amena Mathilde, cette jeune alsacienne de dix neuf ans, à se retrouver près de Meknès, sur des hectares de pierre, de rocaille, qui vont devenir le lieu de sa vie. Elle a rencontré Amine, officier de spahis dans l’armée française, en est tombée amoureuse, l’a épousé, et l’a suivi de retour dans son pays. A l’image des paysages désertiques, que des colons français parviennent à exploiter, utilisant la main d’oeuvre locale, les débuts du roman sont un peu austères, les personnages errants et mutiques. La description minutieuse de la vie quotidienne de Mathilde dans un univers, qui lui est de plus en plus étranger, ralentit le rythme du récit. Mais, peu à peu, au fil des pages, Leila Slimani nous emmène avec elle à leur suite, nous invite à partager leurs souffrances, leurs aspirations. Elle déploie pour cela deux qualités majeures: l’empathie, l’absence totale de jugement.

    Ils prennent de l’épaisseur ces personnages au fur et mesure des évènements qui, même éloignés de la ferme d’Amine, sourd au bruissement de la révolte qui gronde, pénètrent peu à peu sur les hectares des champs d’olivier ou de tournesols brûlés. L’opposition brutale et frontale entre deux cultures, deux Dieux, deux pensées différentes, broie le quotidien et l’amour originel. Progressivement se dessine une incompréhension réciproque de deux époux, enfermés dans leur propre histoire, leur propre passé. Amine est rongé par sa volonté d’aimer librement Mathilde, un amour entravé par la nécessité de maintenir la tradition sacrée qui fait de lui, pense t’il, un homme. Mathilde, dont le mal être croît et qui pense même pouvoir revenir un moment en Alsace, elle, va mener un combat intérieur pour obtenir sa place dans ce monde de domination masculine. Sans connaissance médicale, elle ouvre une copie de modeste dispensaire.

    « Ils étaient deux excommuniés qui ne peuvent plus prier dans aucune église et dont le dieu est un secret, intime, dont ils ignorent jusqu’au nom ».

    L’écriture de Leila Slimani, prend toute son ampleur pour dire le désarroi de ces femmes qui veulent secouer ces décennies d’enfermement, de négation de soi. C’est à elles, ces mères, ces épouses, ces soeurs que l’on s’attache alors. Selma, la jeune belle soeur, rebelle, que l’on mariera de force à Mourad, un compagnon de guerre de son père. Ou encore Mouilala, la belle-mère, symbole d’une génération d’acceptation, de renoncement. Et Aïcha, la fille de Mathilde, intelligente et déjà pleine de questions et de révoltes, elle qui « croyait même que c’était pour cela qu’on avait inventé le maquillage. Pour masquer les coups des hommes ». Les hommes ne semblent guère plus heureux, empêtrés dans leurs contradictions, se lâchant juste par instant lors d’une baignade en mer ou de l’acceptation de quelques gestes d’amour. Ils sont lourds, comme lestés, collés au sol, loin de leurs aspirations réelles.
    La toile de fond de la montée du nationalisme dans ce protectorat français, complète ce tableau où Omar, jeune frère d’Amine, symbolise la révolte des indépendantistes, lui un être sombre qui fait partie de ces « hommes pleins de grands mots, des hommes bouffis d’idéal, qui à forcée grands discours avaient épuisé en eux toute forme d’humanité ». On devine que l’obtention de l’indépendance ne changera rien à la condition féminine.
    En évitant tout slogan, tout parti pris apparent, Leila Slimani poursuit avec ce livre le combat qu’elle mène partout depuis l’obtention de son prix Goncourt, celui de la lutte contre la domination masculine, l’obscurantisme religieux mais pour la liberté des moeurs, l’égalité des sexes. Un combat que le lecteur se réjouit de partager avec elle.

    Eric


  • Conseillé par
    27 juillet 2020

    En 1944 à Mulhouse, Mathilde épouse Amine. Ils partent au Maroc dans une ferme isolée.
    Ils auront deux enfants.
    Dix ans plus tard, des affrontements violents opposent Marocains et Français.
    Entre Mathilde et Amine, s’il y a bien des différends, il y a aussi beaucoup d’amour et d’admiration.
    Mathilde est une femme forte, déterminée.
    Amine est obstinément courageux et volontaire.
    J’ai eu le sentiment de vivre un moment au Maroc avec eux.
    C‘est vraiment un très beau roman.
    Tous les sentiments sont parfaitement rendus.
    L’atmosphère évolue au gré des évènements.
    L’écriture est simple et belle.
    C’est une belle démonstration des ravages du racisme.
    Pour nombre de personnes amenées à s’exiler pour une raison ou une autre, il arrive un moment où il est bien difficile de savoir où se sentir dans son pays.
    Je ne sais pas quelle réticence incompréhensible ne me poussait pas vers ce livre.
    Comme quoi il faut se méfier de ses préjugés.