Conseils de lecture
Un conte moderne
Bérengère Cournut a écrit ce livre après avoir vu une salamandre dans le Lot. L'écrivaine inspirée, décide de transformer la créature en personnage de conte.
Adulée de tous les habitants de la forêt, la salamandre s'attire la jalousie de la princesse qui décide de l'éliminer. Trop pressée, et pas très maline..., elle commet une grave erreur qui lui sera fatale. Cependant, elle parvient à accomplir son méfait. Heureusement, la salamandre peut compter sur les soldats escargots et les animaux de la forêt pour la sauver !
Un conte qui reprend les codes classiques du genre en y ajoutant de la modernité et une pointe de folie, ce qui produit un bel effet humoristique.
Bérengère Cournut sera en dédicace à La Grande Ourse samedi 9 décembre de 10h à 13h.
Amélie
Le bonheur d'être vivant
Ce roman de Jean-Paul Kauffmann est magnifique. Il n'a jamais écrit sur sa captivité pendant 3 ans au Liban. Dans La Maison du retour, il écrit sur le retour à la vie et, avec beaucoup de pudeur, il évoque sa captivité.
C'est un roman passionnant, très bien écrit, délicat, joyeux ! Avec beaucoup d'humour et d'autodérision, il décrit la recherche de cette maison dans la forêt landaise avec un drôle d'agent immobilier. Un jour, au bout d'un chemin, la maison apparaît, c'est elle et c'est une évidence.
Comme en convalescence, il revient petit à petit à la vie à travers les sens, les odeurs, les bruits, les sensations, les rencontres... il s'en délecte et nous touche.
Vanessa
SUBLIME: POUR PETITS ET GRANDS
Sublime. La couverture sublime est une invitation à la lecture et au voyage. Le voyage, il va de soi quand le nom de Jules Verne figure en tête d’album, lui l’écrivain nantais qui a consacré toute sa vie d’écriture à raconter des périples sur terre, sur mer ou dans les airs. Le second nom accolé à l’écrivain est celui de Frédéric Pillot, un patronyme qui vous donne carrément envie de décoller. Illustrateur aux deux millions de livres vendus, il était impossible de trouver meilleur compagnon pour Jules Verne.
Lui le mosellan qui a découvert la mer en vacances à St Malo, est devenu un véritable peintre de l’élément liquide avec notamment son fameux Balbuzar, terreur des mers qui navigue sur le rafiot l’Enragé et pille tout ce qui passe. Une image de Pillot, sophistiquée et détaillée, à outrance peut demander des heures d’observation. L’avantage du livre, outre d’éviter de longues stations debout, c’est de pouvoir s’attarder et revenir sur une planche, aussi longtemps et souvent qu’on le souhaite. Celles que vous proposent Deux ans de vacances sont simplement exceptionnelles. On y retrouve bien entendu ces fameuses mouettes (à moins qu’il ne s’agisse de goélands! ou de pélicans!) aux ailes incurvées et aux becs orange aplaties comme des cuillères mais la mer n’est pas la seule invitée de prestige et celui qui illustra notamment les Fabuleuses Fables du Bois de Burrow sait aussi peindre conne nul autre, les animaux, la forêt surtout lorsqu’elle est luxuriante. Cela tombe bien car Jules Verne débute son récit par la description d’un navire, un schooner, en perdition à bord duquel se retrouvent quinze enfants. Pris dans une tempête, après une nuit hallucinante, le navire s’échoue sur une île déserte. Ou habitée? Ils s’appellent Briant, Gordon et Doniphan pour les plus âgés de 13 et 14 ans qui vont veiller sur les plus jeunes. Pour survivre il va falloir explorer l’île et pénétrer dans la forêt. Nous y voilà! Et Pillot remplace le bleu et blanc de l’océan par toutes les nuances possibles de vert invitant le lecteur à scruter, comme les jeunes aventuriers, le végétal pour y découvrir de la nourriture, les dangers possibles, et peut être de véritables brigands.
Heureusement la lumière perce souvent les frondaisons, car roman initiatique de jeunes Robinsons à l’école de la vie, l’optimisme reste de rigueur. Et la morale est sauve: des jeunes courageux et bien éduqués s’en sortent toujours. Venus par la mer nos aventuriers ne pouvaient repartir que par l’océan. Pillot nous ramène donc sur les quais dans une dernière double page à couper le souffle. La magie du livre opère, celle de l’imagination débordante du romancier à laquelle le dessinateur peintre ajoute ses propres images d’évasion, de poésie. A eux deux ils forment de merveilleux transmetteurs de l’imaginaire, cette curiosité que l’on acquiert enfant, parfois à la lumière d’une lampe de poche, sous les draps, et que l’on a envie de prolonger une fois adulte quand les rêves s’éloignent pour laisser la place à des réalités moins poétiques.
UNE ENQUETE VERTIGINEUSE
« Nous ne savons rien du saut mais tout des chutes ». Une phrase énigmatique mais qui, en quelques mots, dit tout de l’objet du récit-enquête d’Ariane Chemin. Les chutes sont celles de cinq personnes d’une même famille qui ont sauté un jour de mars 2022 d’un immeuble à Montreux (Suisse), près du lac Léman, les unes après les autres, dans un ordre dont on apprendra plus tard, qu’il était préétabli. ère. « Il était environ 6h45 du matin. Ce fut comme une pluie de corps depuis le septième étage de l’immeuble. Cinq longues minutes avec parfois soixante secondes entre chaque saut ». De cela on sait tout: caméras de surveillance, témoignages de voisins. Mais de l’avant, ce moment où comme dans un scénario déjà écrit, une famille décide sciemment de se donner collectivement la mort, on ne sait rien. Que se passe t’il quand deux gendarmes frappent à la porte de la famille ce matin là pour « exécuter un mandat d’amener (…) en lien avec la scolarisation à domicile d’un enfant », susceptible d’entrainer simplement une amende?
Ce quart d’heure la grand-reporter au Monde à défaut de le reconstituer, va essayer d’en comprendre les fondements et les raisons au long d’une enquête pleine d’empathie, cherchant à s’extraire des conclusions rapides de journaux avides d’explications simplificatrices. Les médias cherchent des explications dans des faits divers antérieurs. Et puis s’arrêtent, faute de rebondissements, de faits avérés. Il y a mieux à faire, la Russie a attaqué l’Ukraine. Les drames du monde se multiplient. Le silence retombe sur ce paisible lieu idyllique. Alors Ariane Chemin, prend son temps comme elle le fait souvent seule, ou avec sa collègue Raphaëlle Bacqué, dans ses enquêtes faites d’entretiens, d’écoute, dégagée de la nécessité d’explications rapides et simplificatrices. L’article n’est pas pour demain. Il est pour quand cela possible. De rencontres avec le porte-parole de la police cantonale vaudoise, ou avec Michel Tabachnik, chef d’orchestre ancien membre de la secte du Temple solaire, de balades autour du lac à la visite d’une maison abandonnée à Vernon, la journaliste s’attarde de plus en plus sur un patronyme qui devient le coeur de l’ouvrage, comme une obsession susceptible de fournir des clés d’explication du drame: Mouloud Feraoun, un écrivain kabyle qui fut assassiné en mars 1962, presque soixante ans jour pour jour avant les « chutes », par une équipe de l’OAS. Feraoun est le patronyme des deux soeurs jumelles, petites filles de Mouloud. Deux générations, un même nom, une même origine algérienne, un même drame familial: « On ne peut pas porter le nom de Feraoun et mourir de cette façon, soixante ans très exactement après l’assassinat, sans qu’il y ait un lien ou au moins une piste à explorer… » déclare à l‘enquêtrice, Amine Benyamina, psychiatre.
C’est cette piste que le livre finalement poursuit, en interrogeant des réminiscences historiques qui racontent entre les lignes des épisodes de la guerre d’Algérie et des traumatismes de ces années où la peur des autres crée des instabilités psychologiques importantes. Cette peur des voisins, des collègues, des amis, tous susceptibles d’être de potentiels ennemis, qu’a suscité l’état de guerre va peut être, même à distance temporelle, intervenir dans la construction d’une famille composée de personnes intellectuellement brillantes qui va perdre peu à peu le contact avec la réalité pour rentrer dans une paranoïa collective que la crise de la Covid va accentuer.
Au moment de la conclusion un gouffre s’ouvre sous les yeux du lecteur: quelle part du passé traumatique de nos aïeux nous accompagne dans notre quotidien? La réponse que donne l’enquête est vertigineuse.
Addictif !
La lutte entre la famille Stallworth et la famille Shanks a commencé il y a bien longtemps dans un tribunal. Si les uns ont prospéré, les autres au contraire ont été marqué au fer rouge par ce jour funeste. Depuis, les deux familles se livrent une guerre sans merci. Il y a comme un air de Gangs of New-York dans ce nouveau roman de Michael McDowell. Un roman social à la Dickens qui mêle lutte des classes, soif de pouvoir et besoin irrépressible de vengeance !
Un roman diabolique, addictif !
Mila