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Conseils de lecture

21,90
Conseillé par (Libraire)
17 août 2022

Un grand Franck Bouysse

On ne raconte pas un livre de Franck Bouysse.
On respire l'air glacial des hauts plateaux figés dans le froid depuis des millénaires.
On observe les femmes et les hommes posés là, comme par erreur, et qui essaient de vivre avec leurs violences, leurs haines, leurs secrets.
Et puis, il y a la fin...

Eric

Ce serait dommage de commencer la chronique d’un roman de Franck Bouysse en esquissant l’histoire. Dommage et injuste car un roman de l’auteur de « Née d’aucune femme » nous offre d’abord, et toujours, un paysage à voir, un paysage sombre sous l’orage, ou comme ici un paysage blanc de neige, un paysage sourd aux sons du monde, un paysage où les hommes ne font qu’occuper momentanément l’espace, ni plus ni moins qu’un arbre ou qu’un mouton. C’est de cela qu’il s’agit d’abord, des êtres enfermés dans des maisons de pierres, de la glaise aux pieds, et du ciel gris sur la tête.

Les secrets de famille, les secrets des lieux où se succèdent les générations souvent maudites, l’écrivain prend plaisir de livre en livre à les extraire de la terre, de l’eau. Alors il utilise des mots, ce que l’on appelle le style, qui lui est sont si personnels, il nous installe sur ces plateaux et ces combes qui nous font penser aux vastes étendues de l’Aubrac, nous réchauffe au coin du feu, nous fait prendre possession lentement de l’environnement comme Harry, écrivain de la ville, auteur reconnu d’un livre essentiel aux yeux des autres, en perte d’inspiration et venu au milieu de ce nulle-part chercher la flamme capable de réveiller son envie d’écrire. Pour dire et écrire il faut s’imprégner.

A côté de la ferme abandonnée qu’il vient d’acheter, une maison qui s’éclaire parfois la nuit. On nous dit que celui qui l’habite s’appelle Caleb, un drôle de nom, pour un homme magnifique élevé par sa mère célibataire, qui le met en garde contre les dangers de l’amour des femmes. Il a un chien, comme un lien entre les deux voisins qui s’observent et ne se rencontrent jamais. A quelques lieux de là, le village, un café, une vendeuse, taiseuse, jeune et jolie comme on dit dans les livres pour faire court. Un vieux médecin en retraite qui sort chaque matin sur la place du monument aux morts à la même heure et un maire omnipotent, maître du pays. Ou qui pense l’être. C’est tout. Un huis clos entre personnes, personnages, qui s’observent et cherchent à se comprendre.

Tout n’est alors que sensations, imagination, images floutées de photographies ou de silhouettes entraperçues derrière des rideaux de voile. Des fantômes peut être. Harry va s’imprégner peu à peu du rythme de la campagne, du dégel qui surviendra un moment ou à un autre et les mots vont s’accélérer, les paysages vont révéler leurs secrets. Le récit devient polar et les mises en abîme font perdre pied au lecteur qui a quitté la chaleur de la cuisinière pour la chaleur brutale du printemps quand l’herbe naissante peut envahir la bouche, les cordes de chanvre devenir des armes et la haine de la jalousie s’étaler en lisière de champ.

On pense aux âmes et aux sorcières des cultures indiennes. On pense aux peintures de guerre dessinées sur les visages. On pense aux totems et aux crânes de bison posés sur les têtes. Franck Bouysse devient le grand ordonnateur d’une cérémonie étrange. Il devient chaman, le chaman de mots qui n’appartiennent qu’à lui et nous transportent dans son monde unique et fantastique. Par un final exceptionnel, il nous fait perdre pied, il nous fait perdre ce sol, cette terre dont il décrit si bien la force tellurique, cette terre qui recèle le secret de nos vies. Il nous laisse coi sur le bord du chemin. Franck Bouysse est un sorcier.


Abécédaire des féminismes présents

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13 août 2022

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Carnet de mes découvertes, par mireille farfelousse

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5 août 2022

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Vous pensez tout connaître des dinosaures ? Hmmm... J'en doute !

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5 août 2022

Une lecture nécessaire

Claire Castillon aborde avec justesse le sujet de la pédophilie.
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Ce roman ne vous laissera pas indifférent.

A partir de 15 ans.

Lou


Paris, juillet 1942

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28 juillet 2022

Indispensable

Il aura fallu 80 ans pour que puisse être publié ce livre remarquable de Laurent Joly, le temps nécessaire à accepter cette tache de notre histoire collective, et celui dû à la recherche historique, à l’accès au maximum de sources et documents. Là est une des caractéristiques françaises de cette opération unique en Europe de rafle de la population juive: les opérations du 16 et 17 juillet 1942 furent totalement et exclusivement réalisées par l‘administration française, et notamment par la police française avec des moyens logistiques français. Ce déni national n’est plus possible aujourd’hui.

A ces faits, l’historien apporte une vision essentielle : il fait de l’ « Histoire » une histoire incarnée et notamment celle des victimes. Derrière les chiffres, ce sont des visages, des vies qui disparaissent.

Une nation se glorifie facilement de ses réussites, de ses faits d’armes utilisant le « récit national » pour se souder sur des faits emblématiques réels ou imaginaires. Elle a beaucoup plus de difficultés à regarder en face ses erreurs, ses crimes. Ainsi peut on dire qu’il aura fallu quatre vingts ans pour que puisse être publié ce livre remarquable de Laurent Joly, le temps nécessaire à accepter cette tache de notre histoire collective, et celui dû à la recherche historique, à l’accès au maximum de sources et documents. En 1978 L’histoire de France en Bande Dessinée évoquait encore « 13 000 personnes(…) arrêtées par la Gestapo ». Treize mille personnes arrêtées, le chiffre était exact puisque le 17 juillet, 12 884 victimes, pour la plupart juifs polonais, étaient recensées dans les lieux d’examen après leur arrestation et réparties entre le Vel d’Hiv et Drancy, avant d’être transférées par convois ferroviaires à Auschwitz pour être gazées. Par contre le deuxième terme de la phrase « arrêtées par la Gestapo » est un mensonge éhonté que même les contemporains de la Rafle n’auraient jamais osé avancer. Là est une des caractéristiques françaises de cette opération unique en Europe de rafle de la population juive: les opérations du 16 et 17 juillet 1942 furent totalement et exclusivement réalisées par l‘administration française, et notamment par la police française avec des moyens logistiques français. Ce déni national n’est plus possible aujourd’hui et Laurent Joly consultant des archives connues mais aussi de nombreuses inédites reprend dans son ouvrage la terrible chronologie d’une traque de la population juive qui est commune à tous les états soumis au régime nazi venant d’instaurer la « Solution Finale », mais qui présentera dans notre pays les tristes particularités d’être menée exclusivement par le régime collaborationniste sans participation de l’occupant, d’amener à la mort plus de 4000 enfants français entre deux et quinze ans et d’atteindre un chiffre inégalé de personnes raflées.

Les chiffres, les statistiques sont essentiels pour expliquer par exemple la diversité de la « réussite » des interventions domiciliaires ou leur échec en fonction des commissaires en place, de la présence massive ou non de « renforts », de l’heure des interventions. De même les documents administratifs, les notes de service interne démontrent combien le gouvernement de Vichy, ses zélés hauts fonctionnaires, le portrait et les actions de René Bousquet sont terrifiants, est allé au delà des demandes allemandes dans une sorte de volonté d’autonomie et de combinaison d’ego et de jeu politique. N’évoquant jamais le droit international qui aurait justifié leur inaction, ces gouvernants, des policiers parfois antisémites, souvent disciplinés ont fait ce qu’aucun pays étranger ne fit.

Aucune culpabilisation ou flagellation nationale cependant et sont évoqués aussi les fonctionnaires, qui ferment les yeux, ceux qui attendent patiemment devant la porte avant de s’en aller, ceux qui colporteront volontairement et de manière très efficace les jours précédents la rumeur de l’opération, mais aussi des concierges qui protègent des familles entières. Laurent Joly tord même le cou au fantasme d’une France délatrice, accusant et dénonçant par des milliers de lettres anonymes son voisin. Au delà des comportements individuels difficilement quantifiables et raisonnables c’est le mécanisme étatique qui est mis en exergue de manière implacable.

A ces faits intangibles, incontestables l’historien apporte une vision supplémentaire essentielle: il fait de l’ « Histoire » une histoire incarnée et notamment celle des victimes. Derrière les chiffres, ce sont des visages, des vies qui disparaissent. Les témoignages sont nombreux comme celui de Georges Wellers qui décrit la déportation à 5 heures du matin des enfants à peine réveillés: « (…) on appelait les gendarmes qui descendaient sur leurs bras les enfants hurlant de terreur ». Dans le souci de faire du nombre ce sont à côté de milliers d’étrangers « qui ne faisaient de tort à personne, des centaines de français d’adoption, modestes brocanteurs, employés aux écritures, secrétaires, boulangers-patissiers, étudiants » qui furent les victimes d’un régime soucieux de plaire à l’occupant par antisémitisme souvent, par inhumanité toujours.