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Conseils de lecture

7,80
Conseillé par (Libraire)
24 février 2024

Infiniment poétique

Un amour fraternel inconditionnel, au-delà de toutes les différences, de toutes les souffrances, de toutes les vicissitudes...

A lire, à offrir, à s'offrir et partager un texte infiniment poétique de toute urgence !

Sylvie


19,95
Conseillé par (Libraire)
23 février 2024

UN PORTRAIT EN CLAIR(E) OBSCUR

Une femme vêtue d’un manteau sans forme, coiffée d’un chapeau et portant sur la poitrine un Rolleiflex accroché à son cou. Voilà l’image désormais traditionnelle, issue de ces nombreux autoportraits, de la photographe franco américaine, devenue après son décès en 2009, une des plus grandes artistes du XXème siècle. Les négatifs et tirages de Vivian Maier, ont été sortis miraculeusement de l’ombre par un brocanteur à la recherche d’illustrations. Depuis, ils ont fait l’objet de multiples expositions et ouvrages. Demeure toujours le mystère, comme un symbole, de cette image d’une femme peu souriante et peu avenante que des documentaires et des biographies ont tenté de mieux cerner. C’est donc bien elle en tout petit, avec son ombre qu’elle a photographiée si souvent, que l’on aperçoit sur la couverture de la BD, parmi des « gens », des objets, des rues qu’elle a saisis.

Emilie Plateau au dessin et Marzena Sova au scénario, plutôt que de tracer un récit biographique, composent un portrait impressionniste à l’aide de saynètes d’une ou plusieurs pages où les enfants jouent un rôle prédominant puisque une grande partie de la vie de Vivian Maier a été consacrée à l’activité de « nounou ». Le dessin de Emilie Plateau dans un style a priori enfantin, en un possible clin d’oeil à la profession principale de Vivian Maier, identifie pourtant la photographe aisément et par un petit trait au dessus du menton rend le sourire à la femme si mystérieuse, un sourire totalement absent dans ses autoportraits dans des miroirs ou vitrines de commerces. Le visage austère fait place ici à une nounou aimante.

Documentaires, biographies, monographies, s’appuyant sur des témoignages contradictoires, ont donné en effet de Vivian Maier une image contrastée. Tantôt sinistre et névrosée, peu adaptée à éduquer des enfants, tantôt nounou adorée, ouverte sur le monde. « Claire et obscure » est le sous titre de la BD, comme le procédé pictural et photographique mais aussi comme les deux facettes de l’employée de maison. Les autrices privilégient ici l’image claire et plus que beaucoup d’autres ouvrages, placent la vie de la photographe dans le contexte politique des Etats Unis de son époque marqué par la ségrégation raciale. Lectrice boulimique de journaux, conservés maladivement dans ses chambres closes par un loquet qu’elle imposera à tous ses logeurs, Vivian Maier apparait comme une femme impliquée dans la société qui l’entoure, avec des valeurs humanistes indéniables. Spectatrice derrière son viseur mais spectatrice concernée par le monde qu’elle raconte dans ses clichés.

Les premières pages de la Bd surprennent: une simple balade dans la nature avec les enfants dont elle a la garde. Un dessin limité en apparence à sa plus simple expression, comme fait pour s’adresser exclusivement à de jeunes lecteurs. Et puis peu à peu, par un enchainement discret mais efficace, sans ostentation, apparait la femme au chapeau et au Rolleiflex, son enfance difficile, sa visite en France au Champsaur d’où elle vient et où elle héritera, son goût pour l’éducation des enfants mais aussi ses névroses, ses obsessions.

Des milliers de négatifs retrouvés ont été aujourd’hui développés et exploités partiellement. Ils nous permettent de deviner, mais pas de connaitre les photos que Vivian Maier a jugées bonnes au moment décisif. Penser, dire et montrer à sa place c’est l’énorme défi que John Maloof, le découvreur et « l’inventeur » de Vivian Maier doit aujourd’hui relever. Plus modeste est celui de Emilie Plateau et de Marzena Sowa qui, sans inventer, trempent les autoportraits de la photographe dans le révélateur pour en restituer une image crédible et profondément humaine.


27,95
Conseillé par (Libraire)
23 février 2024

UNE BD QUI FAIT DU BIEN

Sur la couverture, il est sympa le vieux monsieur sur sa mobylette. Il a le sourire. Il porte une chemise à carreaux rouge car « c’est moins salissant » Il s’appelle René. Rien d’exceptionnel. Un homme ordinaire qui a vécu une vie ordinaire. Enfin presque, parce que comme tous les anonymes son existence est unique, suffisamment pour que Charles Masson s’y intéresse, lui qui porte son attention sur ces « gens de rien » qui nous constituent presque tous. René, ses caractéristiques essentielles sont doubles. D’abord il est né et vit en Savoie, plus précisément dans les Bauges, dans les montagnes déshéritées, au-dessus des vallées sans cesse pillées par des envahisseurs multiples. C’est beau les Bauges mais c’est pauvre et René va naitre pauvre. Et vivre pauvre.
Ensuite René a sept vies à vivre, ces vies ce sont celles de ses cinq frères et deux soeurs nés, et décédés, avant lui. Alors pour eux il a décidé de vivre sept fois plus que les autres et de sourire à tous les événements qui se présentent à lui.

Bon sang que cela fait du bien de partager, par les temps qui courent, cet optimisme et ce sourire qui le font passer parfois pour un gentil benêt. Certes il dut quitter l’école de bonne heure et sa culture souffre de la comparaison avec celle de Céline, cette femme qu’il rencontre, si différente de lui, politisée et qui lui ouvrira des portes de la réflexion, sans condescendance ou apitoiement. Pourtant sa vie va s’enrichir car si éloignée du monde que puisse être sa maison, René vit la Résistance et les massacres commis par les nazis dans ses montagnes juste avant leur défaite. Il découvre aussi la haine, celle de Français envers d’autres français. Il apprend naïvement l’idéologie coloniale au Maroc en devenant soldat chez les Spahis mais il évitera la guerre. Il vit avec son regard décalé de grands événements historiques.

La nostalgie n’est pas uniquement celle de la mobylette et des évènements passés. C’est aussi celle d’un dessin pixelisé qui nous rappelle les vieux magazines pour enfants, du temps où l’imprimerie peinait à mélanger les couleurs primaires. Cela sent bon Fripounet et Marisette, les vieux comics américains, cela respire les années cinquante et les Mistral gagnant de Renaud. Le lecteur ne peut être que séduit par ce personnage attachant qui mène une existence faite de tragédies mais aussi de petits et grands bonheurs, de sieste dans le foin, de soleil dans les cheveux, de balades en luge avec sa petite soeur qui l’appelle « Grand ». Grand frère, vieux garçon, soutien de famille, comme un papa, autant d’expressions pour désigner celui que l’on imaginerait bien sous les traits de Jacques Tati. Il va traverser les épreuves d’une vie: les décès, l’alcool, la haine, les moqueries. Il va tomber, s’agenouiller mais jamais sombrer. Se relever pour reprendre contact avec ses sept frères et soeurs. Pour eux, pour leur mémoire. Et la promesse qu’il leur a faite. Ainsi passe une vie.

Quand approche la fin, fidèle à sa profession de foi d’enfant, quand on s’appelle René, que l’on a envie de vivre, on coupe sa moustache à l’heure de la retraite venue pour redevenir séduisant et enfin réaliser son rêve d’amour. Il n’est jamais trop tard.

« On ne peut pas faire de bons livres avec de bons sentiments » entend on souvent comme une sentence. Charles Masson, sans mièvrerie, mais avec une écoute attentive, prouve le contraire.


Flammarion

21,00
Conseillé par (Libraire)
23 février 2024

Au coeur d'un tribunal

Après "A la folie" où Joy Sorman explorait l'univers de la psychiatrie, "Le Témoin" décortique le monde judiciaire, et c'est passionnant.
"Le Témoin" c'est un drôle de personnage dénommé Bart (en référence à Bartleby le scribe de Herman Melville ?) qui quitte tout pour vivre à l'intérieur du palais de justice de Paris. La nuit, il dort dans les plafonds, le jour il assiste aux aux audiences de nombreuses chambres. Un roman-documentaire qui met en évidence le fonctionnement de l'institution judiciaire, et les injustices de notre société.
C'est précis, documenté, éclairant.

Vanessa


16,00
Conseillé par (Libraire)
5 février 2024

A la recherche du temps perdu

Les romans de Patrick Modiano sont comme ces cafés parisiens qu'il décrit si bien,. Le décor de zinc et de bois verni échappe aux modes, l'ambiance est feutrée, on observe les clients avec curiosité, on saisit des bribes de conversation, on laisse son esprit vagabonder. D'un coup on est ailleurs.
La danseuse débute dans un de ces cafés "encore protégé de la dureté du temps présent". Le narrateur y" fait halte" avec une vieille connaissance, rencontrée par hasard, Serge Verzini....Ils y boivent une grenadine et évoquent ensemble "un passé lointain", et une relation commune, qu'ils nomment "la danseuse", et son fils, le petit Pierre.
Suivre le fil de l'intrigue serait peine perdue. La danseuse construit son récit par bribes, comme les bribes de conversations saisies dans un café. On y croise des personnages aux noms improbables (Modiano dit choisir ces noms dans l'annuaire téléphonique, mais dit-il vrai ?) : Serge Verzini, donc, Hovine, André Barise, Pola Hubersen, Mme Juan, qui évoquent immédiatement le monde interlope que Modiano affectionne. Il y a aussi Boris Kniasseff, un danseur qui a cotoyé Jean-Pierre Bonnefous et Marpessa Dawn. Eux et elle ont vraiment existé : c'est tout l'art de Modiano de mêler réel et imaginaire et de créer ainsi un univers qui lui est propre. On y déambule dans un Paris qui semble lui aussi à la frontière du réel et de l'imaginaire, et dont Modiano, arpenteur infatigable, fait émerger des noms de rues qui sonnent comme les paroles d'une chanson (la rue Coustou, la rue Chauveau-Largarde, la rue Godot-de-Mauroy). On est dans l'univers étrange et incertain de Patrick Modiano. On est ailleurs
Ces noms, ces lieux, ces bribes de récit miroitent à a manière d'un kaléidoscope, celui de ce "passé lointain" qui refait surface dans la mémoire enfouie du narrateur. A travers ses romans (près de 45 au total) Modiano construit sa propre recherche du temps perdu, dont "La danseuse" pourrait être un des derniers épisodes. "Il n'y a pas de passé, ni d'étoile morte, ni d'années-lumière qui nous séparent à jamais les uns des autres, mais ce présent éternel" conclut magnifiquement le livre.

Jean-Luc