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Conseils de lecture

Éditions Gallmeister

22,60
Conseillé par (Libraire)
26 mars 2021

Un indispensable de ce printemps

Gallmeister fait une entrée fracassante en littérature européenne et réussi son pari d'ouvrir son catalogue aux auteurs du vieux continent.
Nous sommes dans les années 1910 dans un petit village italien. Nicola et Lupo sont les deux derniers fils du boulanger. Famille maudite selon certains, Nicola et Lupo entretiennent une relation fraternelle fusionnelle. En effet, Lupo, s'est promis de veiller sur Nicola après l'avoir bousculé étant enfant. Si Nicola est un enfant fragile, soumis, mais surtout terrorisé par son père violent, Lupo est quant à lui un enfant insolent, volontaire et travailleur. Il travaillera pour que Nicola puisse aller à l'école, c'est une promesse.
Les premières manifestations d'ouvriers et la guerre vont faire basculer tous leurs espoirs.
Un roman intense et magnifique !

Mila


8,30
Conseillé par (Libraire)
24 mars 2021

Quelle force !

Ce roman est fort, émouvant. C'est la relation d'une mère et de sa fille adolescente. La communication s'étiole, les liens se distendent et un jour, Adèle disparaît.
Astrid Eliard nous fait littéralement entrer dans la peau de Marion, cette mère dévastée qui cherche à comprendre ce qui s'est passé, à quel moment elle a vraiment perdu Adèle. Et qui fait tout pour la retrouver. C'est un roman magnifique qui m'a particulièrement touché.

Vanessa


18,00
Conseillé par (Libraire)
23 mars 2021

On se souvient d'Hervé Guibert

« Hervelino », c'est le diminutif affectueux qu'employait Mathieu Lindon pour appeler son ami Hervé Guibert.
Se souvient-on d'Hervé Guibert, écrivain emblématique des années sida, auteur de l'inoubliable « A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie » ? Proche de Michel Foucault et de Roland Barthes. Photographe aussi, qui a écrit, quand il tenait la rubrique photo du journal Le Monde, parmi les plus beaux textes qui soient sur la photographie (regroupés sous le titre « La photo, inéluctablement » (Gallimard, 1999). Mort en 1991, à 36 ans...
C'est sur deux années que Mathieu Lindon choisit de concentrer l'évocation de son amitié avec Hervé Guibert, qui a duré treize ans. Sur leurs « années romaines », celles qu'ils passèrent ensemble comme pensionnaires à la Villa Médicis. Guibert se sait condamné, écrit sans arrêt, brûle sa vie. Le livre de Lindon pourrait être marqué de beauté tragique. C'est plutôt d'une légèreté heureuse qu'il se teinte. Rome et le décor somptueux de la Villa sont constamment en arrière plan. Les deux jeunes gens arpentent les rues de la ville et s'y construisent une topographie intime, celle des restaurants où ils ont l'habitude de dîner, celle des boutiques où ils découvrent des trésors, heureux comme des enfants. Ils font des blagues de potaches qui deviennent des jeux poétiques, se moquent des pensionnaires de la Villa, ce petit monde d'artistes qui se cherchent alors qu'eux se sont trouvés. Il y a évidemment beaucoup plus que ça dans Hervelino. Il y est beaucoup question de littérature, et du deuil bien entendu. Mais c'est cette légèreté qu'on a envie de retenir. C'est elle d'abord que Mathieu Lindon a choisie pour évoquer, trente ans après, le souvenir de son ami.
« Qu'ajouter ? », écrit-il à la fin de son livre. « Hervelino Hervelino, dis-je parfois tout seul chez moi, quand je pense fort à Hervé ».
Qu'ajouter oui ? Qu'avec ce beau livre, oui, on se souvient, un peu plus, un peu mieux, d'Hervé Guibert.

Jean-Luc


18,00
Conseillé par (Libraire)
22 mars 2021

Plongée au coeur de la Russie contemporaine

Mikhail Chevelev est un journaliste russe, Une suite d'évènements est son premier roman nourri de son expérience.
A travers le récit d'une prise d'otages, il dresse un portrait au vitriol de la Russie de Poutine, en particulier des guerres en Tchétchénie et en Ukraine. C'est aussi une autocritique poignante, le personnage principal, Pavel, étant lui aussi journaliste... Mi thriller mi comédie, le suspense est omniprésent mais le ton ironique. C'est une plongée passionnante dans son pays et une réflexion sur le terrorisme et nos responsabilités. Dans sa postface, Ludmila Oulitskaia écrit : "regardez dans votre coeur, n'avez-vous pas aussi votre part de responsabilités dans la brutalité et la colère qui nous entoure aujourd'hui ?".
Un roman puissant.

Vanessa


Les Arènes

28,00
Conseillé par (Libraire)
18 mars 2021

Magistral !

« Dessiner encore », dessiner encore. Il y’a du Bernard Lavilliers dans cette injonction, comme dans celle qu’il chante à l’égard des sidérurgistes menacés de chômage. « Travailler encore », « Dessiner encore », travailler, dessiner, agir, s’occuper, faire ce que l’on sait faire, ce pour quoi on est né: pour ne pas sombrer, couler, être submergé par la vague du chômage ou de la mort. Comme Catherine Meurisse notamment, sortie de l’horreur par la quête de la beauté, Coco ne peut s’extraire du traumatisme subi que par ses crayons. C’est justement le crayon de Boucq qui nous avait envoyé la dernière image de la dessinatrice dans le remarquable ouvrage « Janvier 2015. Le procès ». Il avait saisi Coco refaisant, à l’audience du 8 septembre 2020, ses gestes du 7 janvier 2015, cette mise à genoux, mains sur la tête, tête penchée vers le sol. Alors il fallait revivre cette journée, recommencer, redire, et même redessiner ces moments où tout bascule à jamais. Devant le tribunal, comme dans cet ouvrage. Raconter le départ précipité de la rédaction pour aller à la crèche, revoir ces deux ombres, deux linceuls noirs qui vous menacent, refaire ce code qui va ouvrir la porte du journal aux silhouettes noires armées, pour enfin pouvoir extraire ce traumatisme indicible lorsque « la mort est là. Tout près ».

Quand Riss ou Philippe Lançon firent appel aux mots, Coco, après Luz et Catherine Meurisse, appose à ces phrases, des dessins, des couleurs sur la feuille blanche pour raconter.
Il y’a les dessins narratifs, ceux qui disent l’histoire des attentats, leur origine, les procédures judiciaires, les lâchetés d’une partie du monde médiatique, journalistique, politique. Coco, de son statut d’abord de pigiste, puis de membre de la rédaction, pose son regard d’incompréhension sur ces « Oui. Mais… », ces accusations « d’ajouter de l’huile sur le feu », comme si il y’avait des moments pour la liberté, parfois, souvent, mais pas tout le temps. Elle se dessine alors avec des yeux ronds, surpris, figés devant ce qu’elle ne peut comprendre.

En bonne chroniqueuse, on revit avec elle le 11 janvier, la création du numéro « des survivants » mais on la suit encore avec plus de passion lorsqu’elle exprime son mal être, sa souffrance, se détachant de l’histoire du journal et de la relation des évènements, pour se raconter elle.

« Je me lève 7, je vis 7, je mange 7, je dors … pas ».

Pour beaucoup, le dessin de Coco est un dessin de crobard, ces croquis rapidement saisis qui racontent en quelques traits brefs, sommaires, mais efficaces l’humour, l’actualité et surtout les dixièmes de seconde essentiels de la vie. Avec « Dessiner encore », on découvre l’immense talent de la dessinatrice, sa capacité à mettre des dessins sur des états d’âme, à multiplier les techniques de mise en page pour dire et montrer. Le dessin permet d’utiliser la métaphore et c’est lui qui nous fait nous envoler avec Coco sur un bel oiseau, tenter de s’accrocher à ses ailes, se tenir debout sur son dos, avant de chuter. Plus tard, comme dans les cases d’un échiquier mortel, aux carrés rouges et noirs, on imagine toutes les situations, à l’entrée de la salle de rédaction, le 7 janvier: « Et si je », « Et si ». Autant de cases comme autant de possibilités de jouer entre la vie et la mort. Mais un jeu inutile car les jeux sont faits. Les Kalachnikov sont plus fortes que les tours ou les rois. Les dessins sont sombres mais jamais opaques, jamais totalement noirs. C’est l’obscurité plutôt qui domine, celle qui trace des méandres, des fils de soie, sous nos paupières quand nous fermons les yeux.

Puisque il faut bien continuer à vivre et tenter « d’aller chercher le trauma », de l’extraire, la couleur se révèle nécessaire. Elle prend presque toujours la lumière de la campagne, du vert des arbres en fleurs, de l’ocre de l’automne, de la nature derrière les carreaux d’une fenêtre omniprésente, ouverture vers l’extérieur, vers le monde du dehors. La couleur comme symbole de ce qu’un spécialiste appelle un « endroit refuge », un endroit protecteur, quand la souffrance devient trop grande. Et puis il y’a le bleu, le bleu de la couverture, le bleu de la pochette qui contient les documents d’aide aux victimes, le bleu comme une bulle de vie dans le marron de la souffrance. Et le bleu de la mer, celle que Coco dessine comme la vague d’Hokusai, porteuse de colliers de perles d’eau, blanches, étincelantes. C’est une vague qui flue et reflue, qui enfonce, engloutit et relève, redresse la dessinatrice brinquebalée au fil de ses états d’âme. Mais l’eau porte, supporte nos corps au dessus des ombres des linceuls noirs qui coulent inexorablement vers le néant. Il faut bien vivre.

Alors « dessiner encore »? La réponse, Coco, vous l’apportez vous même: « Je lutte. Je veux dessiner encore. Que suis-je? Illégitime ou nécessaire ?Arrête de te torturer. Tais toi et dessine ».
Dessinez Coco. Encore et toujours.

Eric