- EAN13
- 9782815957922
- Éditeur
- Editions de l'Aube
- Date de publication
- 02/02/2024
- Collection
- Monde en cours - Essais
- Langue
- français
- Fiches UNIMARC
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Autre version disponible
Il y a le football, et le football féminin. Le tennis, et le tennis féminin.
Le rugby, et le rugby féminin. On pourrait répéter cette dichotomie à
l'infini, tant il semble naturel que le sport masculin soit l'absolu,
l'universel, le neutre, tandis que le sport féminin serait une particularité
qu'il convient de distinguer. Il est pourtant loin, le temps où les joueuses
de football couraient sur des terrains plus petits, où les tenniswomen ne
pouvaient pratiquer qu'à la condition d'être vêtues de robes longues, où les
joueuses de rugby n'avaient pas le droit aux contacts violents… À quelques
exceptions près, sportives et sportifs pratiquent le même sport, obéissent aux
mêmes règles, repoussent de la même façon les limites du corps humain. Mais il
faudrait malgré tout caractériser le sport quand il est pratiqué par les
femmes, pour bien le distinguer de celui auquel s'adonnent les hommes.
Aujourd'hui, si pour diverses raisons qui tiennent essentiellement aux rôles
sociaux assignés aux personnes selon leur genre, les femmes sont moins
représentées que les hommes dans les associations sportives, elles les ont
pourtant massivement investies. En 2021, en France, près de 40% des licences
délivrées par les Fédérations nationales le sont à des femmes. Elles sont de
plus en plus nombreuses à passer des chaussures de course, à saisir une
raquette, à enfiler une combinaison, à prendre du temps pour mettre leur corps
en mouvement et pratiquer une activité physique. Les objectifs de la pratique
sportive, pour les femmes comme pour les hommes, sont aussi divers que peuvent
l'être ses effets bénéfiques. Le sport, bien entendu, recèle de nombreux
bienfaits pour notre santé physique, en aidant à lutter contre les maladies
cardiovasculaires, par exemple, en réduisant le stress ou en renforçant notre
densité osseuse. Il peut être un outil de connaissance et de réappropriation
de son corps, de même qu'une source de plaisir et de confiance en soi. Mais le
sport sait également se faire plus politique : pour les femmes en particulier,
il a souvent été un vecteur d'émancipation en leur offrant une nouvelle
liberté de mouvement et de circulation, et une réappropriation de l'espace
public. Il a pu servir, tout simplement, à défier le patriarcat, ainsi que les
autres relations de domination traversant nos sociétés, racisme,
discrimination de classe, validisme ou encore homophobie. Quoiqu'en disent
certains, le sport n'a jamais été et ne sera jamais apolitique. À l'échelle
d'une société, il a pu être utilisé comme outil de réduction du stress pour
des populations soumises à des circonstances extrêmes, dans des zones de
guerre par exemple. Comme vecteur de lien social, d'apaisement, d'une complexe
réconciliation dans des pays traumatisés par des crimes de masse, un passé
colonial dramatique et des décennies voire des siècles de ségrégation : au
Rwanda, après le génocide des Tutsis, en Afrique du Sud après l'apartheid ou
encore en Australie après des siècles de violences et de discriminations
envers les peuples aborigènes. S'il ne peut se substituer à une véritable
politique de réduction des inégalités, du moins peut-il aider à regarder son
voisin d'un autre œil. À l'échelle de la planète, il peut servir à marquer la
désapprobation de la communauté internationale concernant la politique ou les
agissements d'un pays : l'Afrique du Sud est ainsi exclue des Jeux olympiques
de 1962 à 1992 en raison de sa politique d'apartheid. À noter, en revanche,
qu'aucun pays n'a jamais été exclu des Jeux olympiques pour avoir refusé
d'inclure des femmes dans sa délégation nationale. Plus récemment, après
l'invasion russe en Ukraine, les joueurs et joueuses de tennis russes et
biélorusses sont exclus de l'édition 2022 du tournoi de Wimbledon ;
l'organisation du tournoi décide en outre de distribuer des billets d'entrée à
des réfugié(e)s ukrainie(ne)s, et de faire un don à une association d'aide aux
réfugiés. Portant des valeurs intrinsèques d'égalité - bien illusoires dans la
réalité -, le sport se fait souvent objet de militantisme contre les
discriminations, à travers l'organisation d'événements sportifs porteurs de
revendications - les premiers Jeux olympiques féminins en 1922, les Gay Games
en 1982… -, la création d'association comme les Dégommeuses, ces footballeuses
LGBT+, ou encore des actions individuelles ponctuelles, comme les athlètes
afro-américains Tommie Smith et John Carlos levant le poing sur le podium aux
Jeux olympiques d'été de 1968 ou le quaterback afro-américain Colin Kaepernick
mettant un genou à terre pendant l'hymne américain. Le sport est ainsi un
véritable champ d'expression et de revendication qu'on aurait tort de
négliger. La pratique sportive reste aujourd'hui très inégalitaire, qu'il
s'agisse du petit club amateur ou de la compétition de haut niveau. Les
femmes, d'abord, s'adonnent moins fréquemment à des activités physiques que
les hommes, pour des raisons essentiellement liées aux difficultés à concilier
vie professionnelle, vie familiale, vie domestique et loisirs, et à une
répartition des tâches au sein du foyer restant fortement genrée. En outre,
certains sports, à l'image du rugby, de la boxe ou encore de la natation
synchronisée, restent fortement considérés masculins ou féminins et peuvent
s'avérer socialement difficiles d'accès, même en dehors de l'univers de la
compétition. Les équipements sportifs de plein air - city stades, skate parks,
terrains de football - répondent d'ailleurs souvent à des activités jugées
essentiellement masculines, et sont très majoritairement utilisés par des
garçons ou des hommes, au détriment des filles et des femmes. De manière
générale, l'accès aux infrastructures sportives est fréquemment inéquitable,
les discriminations pouvant se loger dans les horaires et la fréquence
d'utilisation alloués à telle ou telle discipline. Enfin, les rôles sociaux
assignés aux femmes et aux hommes font que ces derniers se dirigent plus
souvent vers la compétition tandis que les femmes favorisent des activités
physiques visant à l'entretien de la forme ou de la minceur. Quant au sport de
haut niveau, justement, c'est peu dire qu'il ne montre pas l'exemple. L'écart
de médiatisation des compétitions et sports féminins ou masculins est criant :
en France, en 2016, 20% des programmes sportifs seulement sont consacrés à des
disciplines pratiquées par des femmes. De manière générale, il faut que les
équipes féminines gagnent pour qu'on parle d'elles - et encore, c'est à la
condition qu'une équipe masculine ne gagne pas au même moment - tandis qu'on
parlera de tous les résultats de leurs homologues masculins, les bons comme
les mauvais. En 2016, la qualification de l'équipe française féminine de
tennis en finale de la Fed Cup - la « coupe du monde » du tennis - n'est même
pas mentionnée en une du quotidien sportif L'Equipe. On connaît, pourtant,
l'importance de la représentation médiatique pour montrer aux générations
suivantes, et notamment aux jeunes filles et fillettes, que tous les sports
leur sont accessibles. La médiatisation du sport au féminin ne pèche en outre
pas que par sa quantité, mais également par sa qualité. Le même sexisme que
dans le reste de la société y règne, et le traitement médiatique réservé aux
athlètes féminines s'en ressent. On commente ainsi plus fréquemment leur
apparence physique, leur conformité ou non aux canons de beauté en vigueur,
leurs tenues, leur féminité, leur vie sentimentale. Passant parfois au second
plan, leurs performances sont souvent décrites avec un vocabulaire spécifique,
renvoyant aux univers jugés féminins. Et plus d'un présentateur a été épinglé
pour des propos sexistes, à l'image de Philippe Candeloro déclarant, lors des
Jeux olympiques de 2014, au sujet d'une patineuse : « En tout cas, moi, je
connais plus d'un anaconda qui aimerait venir l'embêter un petit peu cette
jeune Cléopâtre canadienne… ». Ou du journaliste John Inverdale, commentant
sur la BBC la victoire de la joueuse de tennis française Marion Bartoli à
Wimbledon en 2013 : « Pensez-vous que le père de Bartoli lui a dit quand elle
était petite "Tu ne seras jamais un canon, tu ne seras jamais une Sharapova,
donc tu dois t'accroc...
Le rugby, et le rugby féminin. On pourrait répéter cette dichotomie à
l'infini, tant il semble naturel que le sport masculin soit l'absolu,
l'universel, le neutre, tandis que le sport féminin serait une particularité
qu'il convient de distinguer. Il est pourtant loin, le temps où les joueuses
de football couraient sur des terrains plus petits, où les tenniswomen ne
pouvaient pratiquer qu'à la condition d'être vêtues de robes longues, où les
joueuses de rugby n'avaient pas le droit aux contacts violents… À quelques
exceptions près, sportives et sportifs pratiquent le même sport, obéissent aux
mêmes règles, repoussent de la même façon les limites du corps humain. Mais il
faudrait malgré tout caractériser le sport quand il est pratiqué par les
femmes, pour bien le distinguer de celui auquel s'adonnent les hommes.
Aujourd'hui, si pour diverses raisons qui tiennent essentiellement aux rôles
sociaux assignés aux personnes selon leur genre, les femmes sont moins
représentées que les hommes dans les associations sportives, elles les ont
pourtant massivement investies. En 2021, en France, près de 40% des licences
délivrées par les Fédérations nationales le sont à des femmes. Elles sont de
plus en plus nombreuses à passer des chaussures de course, à saisir une
raquette, à enfiler une combinaison, à prendre du temps pour mettre leur corps
en mouvement et pratiquer une activité physique. Les objectifs de la pratique
sportive, pour les femmes comme pour les hommes, sont aussi divers que peuvent
l'être ses effets bénéfiques. Le sport, bien entendu, recèle de nombreux
bienfaits pour notre santé physique, en aidant à lutter contre les maladies
cardiovasculaires, par exemple, en réduisant le stress ou en renforçant notre
densité osseuse. Il peut être un outil de connaissance et de réappropriation
de son corps, de même qu'une source de plaisir et de confiance en soi. Mais le
sport sait également se faire plus politique : pour les femmes en particulier,
il a souvent été un vecteur d'émancipation en leur offrant une nouvelle
liberté de mouvement et de circulation, et une réappropriation de l'espace
public. Il a pu servir, tout simplement, à défier le patriarcat, ainsi que les
autres relations de domination traversant nos sociétés, racisme,
discrimination de classe, validisme ou encore homophobie. Quoiqu'en disent
certains, le sport n'a jamais été et ne sera jamais apolitique. À l'échelle
d'une société, il a pu être utilisé comme outil de réduction du stress pour
des populations soumises à des circonstances extrêmes, dans des zones de
guerre par exemple. Comme vecteur de lien social, d'apaisement, d'une complexe
réconciliation dans des pays traumatisés par des crimes de masse, un passé
colonial dramatique et des décennies voire des siècles de ségrégation : au
Rwanda, après le génocide des Tutsis, en Afrique du Sud après l'apartheid ou
encore en Australie après des siècles de violences et de discriminations
envers les peuples aborigènes. S'il ne peut se substituer à une véritable
politique de réduction des inégalités, du moins peut-il aider à regarder son
voisin d'un autre œil. À l'échelle de la planète, il peut servir à marquer la
désapprobation de la communauté internationale concernant la politique ou les
agissements d'un pays : l'Afrique du Sud est ainsi exclue des Jeux olympiques
de 1962 à 1992 en raison de sa politique d'apartheid. À noter, en revanche,
qu'aucun pays n'a jamais été exclu des Jeux olympiques pour avoir refusé
d'inclure des femmes dans sa délégation nationale. Plus récemment, après
l'invasion russe en Ukraine, les joueurs et joueuses de tennis russes et
biélorusses sont exclus de l'édition 2022 du tournoi de Wimbledon ;
l'organisation du tournoi décide en outre de distribuer des billets d'entrée à
des réfugié(e)s ukrainie(ne)s, et de faire un don à une association d'aide aux
réfugiés. Portant des valeurs intrinsèques d'égalité - bien illusoires dans la
réalité -, le sport se fait souvent objet de militantisme contre les
discriminations, à travers l'organisation d'événements sportifs porteurs de
revendications - les premiers Jeux olympiques féminins en 1922, les Gay Games
en 1982… -, la création d'association comme les Dégommeuses, ces footballeuses
LGBT+, ou encore des actions individuelles ponctuelles, comme les athlètes
afro-américains Tommie Smith et John Carlos levant le poing sur le podium aux
Jeux olympiques d'été de 1968 ou le quaterback afro-américain Colin Kaepernick
mettant un genou à terre pendant l'hymne américain. Le sport est ainsi un
véritable champ d'expression et de revendication qu'on aurait tort de
négliger. La pratique sportive reste aujourd'hui très inégalitaire, qu'il
s'agisse du petit club amateur ou de la compétition de haut niveau. Les
femmes, d'abord, s'adonnent moins fréquemment à des activités physiques que
les hommes, pour des raisons essentiellement liées aux difficultés à concilier
vie professionnelle, vie familiale, vie domestique et loisirs, et à une
répartition des tâches au sein du foyer restant fortement genrée. En outre,
certains sports, à l'image du rugby, de la boxe ou encore de la natation
synchronisée, restent fortement considérés masculins ou féminins et peuvent
s'avérer socialement difficiles d'accès, même en dehors de l'univers de la
compétition. Les équipements sportifs de plein air - city stades, skate parks,
terrains de football - répondent d'ailleurs souvent à des activités jugées
essentiellement masculines, et sont très majoritairement utilisés par des
garçons ou des hommes, au détriment des filles et des femmes. De manière
générale, l'accès aux infrastructures sportives est fréquemment inéquitable,
les discriminations pouvant se loger dans les horaires et la fréquence
d'utilisation alloués à telle ou telle discipline. Enfin, les rôles sociaux
assignés aux femmes et aux hommes font que ces derniers se dirigent plus
souvent vers la compétition tandis que les femmes favorisent des activités
physiques visant à l'entretien de la forme ou de la minceur. Quant au sport de
haut niveau, justement, c'est peu dire qu'il ne montre pas l'exemple. L'écart
de médiatisation des compétitions et sports féminins ou masculins est criant :
en France, en 2016, 20% des programmes sportifs seulement sont consacrés à des
disciplines pratiquées par des femmes. De manière générale, il faut que les
équipes féminines gagnent pour qu'on parle d'elles - et encore, c'est à la
condition qu'une équipe masculine ne gagne pas au même moment - tandis qu'on
parlera de tous les résultats de leurs homologues masculins, les bons comme
les mauvais. En 2016, la qualification de l'équipe française féminine de
tennis en finale de la Fed Cup - la « coupe du monde » du tennis - n'est même
pas mentionnée en une du quotidien sportif L'Equipe. On connaît, pourtant,
l'importance de la représentation médiatique pour montrer aux générations
suivantes, et notamment aux jeunes filles et fillettes, que tous les sports
leur sont accessibles. La médiatisation du sport au féminin ne pèche en outre
pas que par sa quantité, mais également par sa qualité. Le même sexisme que
dans le reste de la société y règne, et le traitement médiatique réservé aux
athlètes féminines s'en ressent. On commente ainsi plus fréquemment leur
apparence physique, leur conformité ou non aux canons de beauté en vigueur,
leurs tenues, leur féminité, leur vie sentimentale. Passant parfois au second
plan, leurs performances sont souvent décrites avec un vocabulaire spécifique,
renvoyant aux univers jugés féminins. Et plus d'un présentateur a été épinglé
pour des propos sexistes, à l'image de Philippe Candeloro déclarant, lors des
Jeux olympiques de 2014, au sujet d'une patineuse : « En tout cas, moi, je
connais plus d'un anaconda qui aimerait venir l'embêter un petit peu cette
jeune Cléopâtre canadienne… ». Ou du journaliste John Inverdale, commentant
sur la BBC la victoire de la joueuse de tennis française Marion Bartoli à
Wimbledon en 2013 : « Pensez-vous que le père de Bartoli lui a dit quand elle
était petite "Tu ne seras jamais un canon, tu ne seras jamais une Sharapova,
donc tu dois t'accroc...
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