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Pierre Delye

Biographie

Ce conteur du Nord de la France compose avec les mots pour trouver l'histoire
juste. Son répertoire, essentiellement composé de contes et légendes
traditionnels, s'est ouvert au fil du temps aux récits de vie comme aux récits
contemporains.
Il y a chez Pierre Delye un amour de la langue tout particulier, comme un
plaisir de gastronome : «Quand les mots ont du goût, les oreilles sont
contentes de les manger ».
Auteur jeunesse à succès (La grosse faim de P'tit Bonhomme, La Petite Poule
Rousse, « SSSSSSSi j'te mords, t'es mort ! », … ) Pierre Delye a développé le
goût d'écrire même si le goût de dire ne sera jamais moins fort.

Contributions de Pierre Delye

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Entretien avec Pierre Delye

Invité au Festival Grande Marée pour ses talents de conteur, Pierre Delye nous parle de ses personnages, du rapport entre conte et écriture. C’est avec une gourmandise non dissimulée qu’il nous raconte la vraie nature de ses personnages, parfois avec ironie mais sans l’ombre d’un cynisme.

Comment êtes-vous devenu "auteur jeunesse" ?

Je suis devenu écrivain jeunesse suite à ma rencontre, lors d'un festival de contes en 2002, avec Michèle Moreau (directrice de Didier Jeunesse). Mais en fait, je raconte des histoires, des contes depuis bien plus longtemps. C’est mon métier depuis 1994 (j'ai commencé en 90). Écrire est une suite logique du dire.
Votre activité d'écriture a-t-elle préexisté à celle de conteur?

Je racontais des histoires, des contes avant. Mais la première histoire écrite date de 1988 alors... oui mais j'ai toujours raconté des histoires depuis tout petit... l'œuf, la poule...

Et pourquoi s'adresser aux enfants ?

Parce que! Et pourquoi pas? En fait, ce n'est pas vraiment un choix, c'est un fait. Cela changera peut-être, cela dépend toujours de l'histoire que l'on a envie de raconter, c'est elle qui commande! Et, en plus, qui décide de lire? C’est ainsi. Cela se fait. Mais écrire pour les enfants est une sacrée veine, un choix, une responsabilité. C’est de la littérature!

Comment passe t-on de l'oral à l'écrit ?

La caractéristique essentielle du conteur: c'est d'être là, physiquement en face de son public et de pouvoir raconter aussi avec son corps, ses expressions de visage etc. L'écrivain lui est absent. Il doit donner sa "petite musique" mais ne peut pas "l'imposer", il propose. En plus, pour faire un album, nous allons être à deux à raconter: la relation avec un illustrateur est primordiale: allons nous faire bien? Mieux? Ensemble que séparément? Allons nous créer quelque chose de plus ? C'est passionnant!

Ces deux pratiques ne sont donc pas vraiment distinctes ?

Non. Elles sont liées. L’oral, la pratique de la scène, du spectacle vivant sont très enrichissants pour ma pratique d'écrivain. Le conte dit, cherche et trouve sa forme avec la musicalité de la parole, la justesse des mots, le rythme. Tout cela on le retrouve à l'écrit mais d'une autre manière. Mais comme je suis un amoureux inconditionnel de la langue, c'est un jeu jubilatoire!

Vos albums reçoivent un vif succès, auprès des enfants comme des parents, des enseignants ... Vous faites "de l'histoire du soir " un moment de plaisir partagé en famille. Avez-vous conscience du succès de vos albums ?

Oui et non. Je ne m'en rends pas bien compte; on me dit qu'ils ont du succès mais il y a soixante millions d'habitants en France et tout le monde n'en a pas encore un... Par contre, quand je vois, ou que l'on me dit qu'un de mes livres est "le" livre... c'est une grosse émotion. Je suis toujours ébloui quand on choisit un de mes livres, il y en a tellement d'autres.

Quels sont vos ingrédients pour écrire une histoire réussie?

Du mystère et de la boule de gomme! Je ne sais pas. Je sais qu'elle me parait réussie quand je l'entends, qu'il me semble que j'ai bien dit ce qu'il fallait dire et que ceux à qui je la montre aient envie de la lire jusqu'au bout et sourient à la fin... Ensuite, il me semble que la sincérité a quelque chose à voir dans tout cela...

L'humour semble être votre fil conducteur... excepté pour Rouge-Gorge, un conte traitant des origines du monde avec plein de poésie.

Vous aviez remarqué? Mon but n'est pas "simplement" de faire rire. Par contre, l'humour fait du bien, il désacralise ce qui doit l'être. J’essaie que cet humour soit aussi poétique et soit aussi au niveau des enfants comme des grands qui les accompagnent. Je n'aimerais pas un rire qui se ferait "sur le dos" des enfants!

Où puisez-vous l'inspiration ou la trame de vos contes ? Dans la mémoire populaire (certaines histoires sont des contes classiques) comme les musiciens de la ville de Brême notamment ?

Oui, les contes, la vie, l'air du temps... Les contes traditionnels sont une source inépuisable d'histoires fantastiques et chaque conteur qui les fréquente sait quelle chance il a. Notre rôle est de les faire entendre et écouter aujourd'hui en les recréant.

Comment l'auteur "dépoussière"-t-il un conte de la tradition populaire pour en faire une histoire fantaisiste et savoureuse ?

Merci pour les deux compliments: saveur et fantaisie, cela me plait! Un conteur qui parle de la bobinette et de la chevillette ne peut pas oublier qu'il s'agissait du système de fermeture des portes. Pas de mystère ni de magie. Ferions-nous un petit chaperon rouge qui demanderait les numéros du digicode? Pourquoi pas... et pourquoi... c'est une question de choix, de sincérité. Ensuite, le conte n'est pas que la forme mais aussi le fond: on y parle d'amour, de mort, de vie, de départ etc. Et c'est de tout cela dont il faut parler encore ici et maintenant. Digicode ou bobinette, à cheval ou en scooter... Tout cela ce sont les apparences.

Est-ce vous qui avez l'idée d'écrire sur tel ou tel sujet ou est-ce parfois une demande de votre éditeur ?

Cela ne peut pas venir d'une commande. Par contre, je peux prendre appui ou comme point de départ, une demande, une question, un fait vu dans la rue. Pour Les musiciens de la Nouvelle-Brême, l'origine du projet, c'est chez Cécile Hudrisier qu'elle se trouve: un petit dessin publié sur son blog au milieu de pleins d'autres et qui m'a donné envie de raconter l'histoire. Après, il y a eu un passage "alchimique": d'accord ce personnage, le caribou, c'est lui. Mais que raconter ? Je suis toujours ouvert à toutes les demandes ou propositions mais, pour l'instant, je n'ai pas obéit à une commande. Je prends cela à sa juste place: est ce que cela me donne envie?
Oui? Alors, je m'approprie le projet et il devient le mien (parfois différent de ce qui était prévu).

Comment savez-vous que vous tenez une bonne histoire ?

Quand j'y pense tout le temps. Que je trouve des "trucs, des phrases, des bouts d'images" et que cela me fait sourire...

Comment s'articule la collaboration avec l'illustrateur ? La part de l'un et/ou de l'autre ? La place de la créativité, d'improvisation, d'interprétation que chacun se laisse vis-à-vis de son partenaire?

Pour parler de Cécile, j'avoue avoir un bol d'une qualité exceptionnelle : j'ai une copine de jeu. Je laisse dans mon texte (dont nous parlons parfois en cours d'écriture car on anticipe la régalade), des didascalies: des indications dont j'ai besoin, mais que je ne peux pas écrire et dont j'ai besoin qu'elle les montre ; et d'autres qui sont de l'ordre du jeu. Par exemple dans La petite poule rousse, pour les lectures du cochon, nous nous y sommes amusés à trois avec Emmanuelle Painvin, éditrice chez Didier. Moi, tout ce que je demande, c'est que l'illustrateur ait envie de cette histoire, qu'elle lui plaise, qu'il ait envie de la raconter. Je suis très attentif et émerveillé à chaque fois.

Les Musiciens de la Nouvelle-Brême sort à la fin du mois, pouvez-vous nous le présenter ?

Comment être comme on naît? Comment être ce que l'on est? Faut-il accepter et renoncer ou savoir s'en aller? Ce sont des questions que tout caribou crooner, ours contrebassiste, raton laveur saxophoniste ou castor batteur s'est posé un jour. Se poser une bonne question, c'est aussi chercher une bonne réponse. Mais on n'est pas obligé de le faire tout seul....