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    29 octobre 2016

    Le 17 décembre 1968, Mary Bell, une fillette de 11 ans, est condamnée à la prison à perpétuité par le tribunal de Newcastle pour homicide involontaire avec responsabilité atténuée. Quelques mois plus tôt, elle avait en effet causé la mort de deux enfants, Martin Brown, 4 ans, et Brian Howe, 3 ans.
    A l'époque, Gitta Sereny qui couvrait le procès pour son journal, est horrifiée de voir cette enfant jugée comme une adulte, maltraitée par la presse, poursuivie par la vindicte populaire et qualifiée de psychopathe par des psychiatres qui l'ont à peine entrevue. En 1972, elle publie Meurtrière à onze ans : Le cas Mary Bell où elle dénonce le traitement infligé aux enfants tueurs en Angleterre, après une longue enquête auprès de la famille de Mary et de tous ceux qui, de près ou de loin, sont intervenus dans son arrestation et son procès. Lors de ces interviews, elle découvre les mauvais traitements dont a été victime Mary durant sa petite enfance et qui expliquent partiellement sa violence future.
    En 1998, soit 30 ans après les faits, elle revient sur cette affaire qui continue ponctuellement d'intéresser la presse anglaise. Cette fois, elle s'entretient avec Mary elle-même, revenant avec la principale intéressée, sur les meurtres, le procès, la prison, la libération.

    Quand un livre est en lice pour le prix du meilleur polar Points, on s'attend, peut-être à tort, à lire un polar. Or il ne s'agit ici ni d'un polar, ni d'un roman mais bel et bien d'un travail journalistique d'envergure mené par Gitta Sereny, en étroite collaboration avec Mary Bell, la ''meurtrière du onze ans'' devenue une femme libre après douze années derrière les barreaux. La première surprise passée, on entre dans la vie de celle qu'on appelait May, de ses crimes à sa libération, en passant par ses années de prison et son enfance tourmentée. Sans voyeurisme ni parti pris, Gitta Sereny raconte le parcours familial et judiciaire d'une petite fille broyée par le système. Son propos n'est pas d'excuser les crimes mais d'expliquer les faits qui ont conduit au passage à l'acte et surtout de dénoncer la justice anglaise qui traite les enfants criminels comme des adultes. Sous-jacente, la question est aussi de savoir pour combien de temps on est redevable à la société des crimes que l'on a commis. Doit-on payer toute sa vie ou une rédemption est-elle possible ?
    Sentiments ambivalents à la lecture de ce livre dur et violent. Les meurtres effroyables et la personnalité trouble de Mary sont contrebalancés par la révélation des mauvais traitements infligés par sa mère et par la punition imposée par les juges. Une enfant si jeune enfermée sans espoir de libération, intégrée à une prison pour femmes dès l'âge de 16 ans et durant des années jamais suivie psychologiquement ou psychiatriquement, peu ou mal préparée à une éventuelle sortie, forcément cela interpelle sur la façon dont une société gère le cas des enfants délinquants... Et en amont, la prévention est à revoir. Avant son passage à l'acte, Mary a lancé plusieurs appels à l'aide mais les services sociaux et la famille sont restés sourds à sa souffrance, par manque de moyens et soucis de discrétion. Prise en charge plus tôt, Mary n'aurait sans doute pas tuer...
    Un livre fort, passionnant à certains égards mais qui souffre de certaines longueurs et n'entre pas dans le cadre du polar.