Pour suivre notre actualité, les rencontres d'auteurs, les ateliers, les coups de coeur... abonnez-vous à la newsletter de La Grande Ourse !

 

Conseils de lecture

16,50
Conseillé par (Libraire)
16 septembre 2022

Une prose poétique

Il est une photo célèbre: elle représente Marcel Duchamp jouant aux échecs avec une femme nue comme adversaire. Cette photo, d’ailleurs évoquée dans le roman, ressemble à une métaphore du texte de Antoine Choplin. De jeu d’échec il en est beaucoup question au cours de ce texte bref et délicat. De désir aussi. D’amour beaucoup. Et d’Italie enfin, de Rome plus précisément. Cela tombe bien : « une partie italienne » c’est justement une ouverture classique de jeu d’échec.

Antoine Choplin crée de la poésie avec de la prose. Comme le déplacement d’une pièce sur l’échiquier, il place ses mots juste au dessus du plateau, juste au dessus de la vie et sans grands gestes, silencieusement, il nous fait avancer dans l’histoire et atteindre des sentiments forts: la mémoire, le souvenir, la fidélité, le désir, l’amour, la tendresse. On chemine avec le couple dans les rues de Rome, on frémit sous leurs caresses silencieuses qui deviennent parfois désir brutal. Le texte joue ainsi par séquences, par ruptures, avec nous, surpris de cette succession d’images qui s’empilent les unes sur les autres.

Chronique complète :

Il est une photo célèbre: elle représente Marcel Duchamp jouant aux échecs avec une femme nue comme adversaire. Cette photo, d’ailleurs évoquée dans le roman, ressemble à une métaphore du texte de Antoine Choplin. De jeu d’échec il en est beaucoup question au cours de ce texte bref et délicat. De désir aussi. D’amour beaucoup. Et d’Italie enfin, de Rome plus précisément. Cela tombe bien: « une partie italienne » c’est justement une ouverture classique de jeu d’échec.

On est au début du printemps place Campo de’Fiori. Un homme, Gaspar, artiste parisien plasticien reconnu est assis à une table de café. Des joueurs inconnus s’installent en face de lui et perdent. Gaspar ne rêve que de profiter de la saison naissante. Un jour, une silhouette féminine s’assied, elle s’appelle Marya, elle vient de Hongrie. Et elle gagne près de la statue de Giordano Bruno, un frère dominicain, scientifique et brûlé pour ses théories minoritaires, moine symbole de la liberté de pensée et de la supériorité de la raison sur la croyance.

Gaspar et Marya vont se revoir, jouer de nouveau, errer dans Rome, s’aimer et regarder de leur chambre un couple danser le tango, rendre visite à un vieux prêtre aveugle. On ne résume pas un roman de Antoine Choplin qui passe avec une finesse rarement connue de thème en thème mais laisse au lecteur un goût doux et tendre de bonheur de vivre.

Quand interviennent des références à l’histoire, à la seconde guerre mondiale et à la Shoah, notamment lorsque Marya dévoile à Gaspar la raison principale de sa présence dans la capitale italienne, on pense au texte Le Joueur d’Echecs de Stefan Zweig, qui dénonce le nazisme triomphant lors d’une partie jouée au cours d’une croisière.

Antoine Choplin crée de la poésie avec de la prose. Comme le déplacement d’une pièce sur l’échiquier, il place ses mots juste au dessus du plateau, juste au dessus de la vie et sans grands gestes, silencieusement, il nous fait avancer dans l’histoire et atteindre des sentiments forts: la mémoire, le souvenir, la fidélité, le désir, l’amour, la tendresse. On chemine avec le couple dans les rues de Rome, on frémit sous leurs caresses silencieuses qui deviennent parfois désir brutal. Le texte joue ainsi par séquences, par ruptures, avec nous, surpris de cette succession d’images qui s’empilent les unes sur les autres.

Le lecteur assidu de Choplin retrouvera là son goût des échecs, présents avec la musique et l’art dans chacun de ses ouvrages et sera interpellé par des références scientifiques rappelant la formation d’origine de l’auteur, mais une nouvelle fois il sera surpris par le non-dit, le silence qui laissera à chacun le loisir par exemple de mettre ses propres phrases sur les sentiments de Gaspar à l’égard de Marya. L’espace autour des mots de Choplin est large et presque infini, les situations sont décrites avec précisions, jamais les sentiments. L’écrivain joue avec nous, il nous tend des pistes, nous propose des mouvements, nous place sur la défensive, nous invite à réfléchir sur des mots qu’il tait, il nous laisse rêveur au bord de la table et nous offre une seule solution: lui tendre la main non pour admettre notre défaite mais pour admirer son talent.


20,00
Conseillé par (Libraire)
14 septembre 2022

Dérangeant

Voici un roman noir particulièrement dérangeant, en prise directe avec l'actualité.
C'est un été particulièrement chaud en France... Un nouveau président vient d'être élu, un écologiste idéaliste. Cela pourrait nous donner de l'espoir mais il va prendre des décisions radicales, un régime de plus en plus autoritaire s'installe.
C'est tout à fait passionnant car malheureusement les questions abordées sont d'une actualité brûlante.
Un roman d'anticipation qui gratouille... et qui se dévore.

Vanessa


Sabine Wespieser Éditeur

20,00
Conseillé par (Libraire)
14 septembre 2022

Premier roman remarquable

C'est un roman qui ne laisse pas indifférent... Une histoire de violence familiale, terrible, destructrice. Au début, on n'a pas forcément envie de lire sur un tel sujet ; mais dès les premières pages on est comme happé et on ne lâche pas ce court roman, dense, âpre (200 pages).
Sarah Jollien-Fardel offre un roman puissant. Comment vivre avec une enfance fracassée ?
Un très beau texte.

Vanessa


Chronique judiciaire

P.O.L.

Conseillé par (Libraire)
14 septembre 2022

Juste et sensible

Pendant neuf mois, Emmanuel Carrère a tenu une chronique dans L’Obs sur le procès des attentats du 13 novembre 2015. C’est ce récit, enrichi, qu’il livre dans "V13". Et c'est passionnant.
Un exercice de chroniqueur judiciaire et littéraire parfaitement maîtrisé, juste et sensible.
L'écrivain retrace toutes les facettes de ce procès hors normes, il apporte un regard personnel, toujours nuancé.
C'est à la fois très instructif et plein d'émotions. Un livre à ne pas manquer !

Vanessa


17,00
Conseillé par (Libraire)
5 septembre 2022

Incandescent

C’est comme le soc de la charrue qui fend la terre en deux, cette terre qui n’a jamais été ouverte aux graines et aux semences, cette terre ingrate d’Algérie que viennent travailler des colons de France encouragés par leur gouvernement dans les années 1840. A droite du sillon, ces colons : « Vous êtes la force, l’intelligence, le sang neuf et bouillonnant dont la France a besoin sur ces terres de barbarie ».
A gauche, derrière le soc, des soldats venus « pacifier » les barbares, apporter la civilisation au bout de leurs fusils.
L’écriture de Mathieu Belizi est comme cette charrue, elle divise l’histoire en deux. Celle de Séraphine, femme colon qui arrive avec sa famille, son mari, ses enfants. Et puis celle d’un soldat ordinaire, non gradé, qui apporte sa violence comme un bienfait civilisateur.
Des deux narrateurs, on ne sait rien de leur passé, de leurs histoires qui les amènent sur le sol algérien. Pour les colons, il faut affronter le sursaut de la nature et de ses épidémies comme le choléra, il faut se protéger de ces inconnus qui massacrent femmes et hommes quand ils s’éloignent des camps de toile. Pour les soldats il faut tuer et tuer encore pour prendre possession des villages, accaparer les provisions, violer les femmes et trancher les têtes des rebelles.

Le récit est grave, il nous emmène dans l’effroi. Nous sommes au XIXe siècle mais nous avons le sentiment pareillement de rentrer dans les rues d’Oradour sur Glane, de fracasser les portes de la Casbah d’Alger un siècle plus tard. Peu de ponctuation, comme pour rendre plus fluide la parole et rendre encore moins exceptionnelle cette violence banale qui ne mérite pas de majuscules ou d’effets de style. Seuls dans leurs souffrances Séraphine et le soldat anonyme ne se rencontreront pas, chacun restera cloîtré dans sa condition de civilisateur amenés là presque à leur insu, pour satisfaire les besoins de puissance d’une nation. Pions sur un échiquier, on les déplace à leur insu, les faisant porteurs d’une félicité et d’un bonheur impossibles.
Grand est ce texte impitoyable.